Le travail en prison : une "situation de non-droit"
Publié le 29 Décembre 2012
L'Est Républicain du 29 décembre 2012 questionne ainsi sa rubrique Région :
La question du titre est simple, le sous-titre explique encore davantage les problématiques :
Les conditions dans lesquelles s'exerce le travail en prison mises en causes dans une question prioritaire de constitutionnalité posée devant le conseil des prud'hommes, et transmise à la Cour de cassation.
Je sais que c'est pas très beau, que c'est théoriquement du contenu payant, mais vu l'importance du sujet, je pense que l'Est Républicain m'en voudra pas de recopier le texte de leur journal (et puis je le fais manuellement, alors tant pis).
Le code de procédure pénale viole-t-il les principes fondamentaux lorsqu’il énonce, dans son article 717-3, que les salariés détenus " ne font pas l'objet d'un contrat de travail ? ". Deux avocats avaient soutenu cette hypothèse, le 4 juillet dernier, devant le conseil des prud'hommes de Metz auquel ils avaient posé une "question prioritaire de constitutionnalité" (QPC). Après avoir longuement hésité au point d'en appeler à un juge départiteur, la juridiction messine a finalement jugé que cette QPC n'était pas "dénuée de caractère sérieux" et l'a transmise par voie de conséquence à la Cour de cassation, filtre ultime avant saisine du Conseil constitutionnel.
Mes Thomas Hellenbrand et Xavier Iochum s'étaient appuyés sur un litige pourtant sur une demande de rappel de salaires d'un de leurs clients, incarcéré pour des braquages à la maison d'arrêt de Metz-Queuleu. Ce détenu avait travaillé plusieurs mois comme "auxiliaire" pour le compte de la société Sodexo, prestataire de services dans de nombreuses prisons françaises, moyennant une rémunération trois fois inférieure au taux horaire légal du SMIC.
"Aujourd'hui encore, dans notre pays, des détenus privés de tout contrat de travail peuvent ainsi travailler pour 2 €uros de l'heure. Ces conditions indignes violent non seulement les principes constitutionnels mais aussi les engagements internationaux de la France", avaient plaidé Mes Hellenbrand et Iochum.
Leur QPC visait le préambule de la Constitution de la IV ème République, lui-même invoqué dans le préambule de la Constitution du 4 octobre 1958, aujourd'hui en vigueur, et qui a donc valeur constitutionnelle. "Nul ne peut être lésé dans son travail ou son emploi en raison de ses origines, de ses opinions ou de ses croyances" proclame notamment le texte invoqué. "Le seul fait qu'un travailleur exerce son activité en prison peut-il le priver des droits associés au contrat de travail, à commencer par le droit au SMIC, alors même qu'il en supporte toutes les obligations (horaires, exigences de productivité, subordination hiérarchique) ? Nous ne le pensons pas" avait soutenu Me Iochum, qui déclarait vouloir agir pour qu'il soit mis fin à cette "situation de non-droit".
Alors même que le ministère public - tout comme l'avocat de la société Sodexo - considérait qu'il était juridiquement "incompétent", le conseil des prud'hommes s'es montré sensible à ses arguments. "Il existe une contradiction au moins apparente entre l'article 717-3 du code de procédure pénale, privatif du droit syndical et à la négociation collective pour les travailleurs détenus, et les termes généraux du préambule de la Constitution de 1946 qui apparaît garantir ces droits à tout travailleur, sans distinction", notent les juges messins dans leurs attendus.
La Cour de cassation, à qui la QPC a été transmise, dispose d'un délai de trois mois pour se prononcer sur son renvoi au Conseil constitutionnel.
Nicolas Bastuck
Affaire à suivre avec intérêt !
Source de l'image : ministère de la Justice
En plus de cela, je viens de tomber sur un article sur un livre sur les contrats de travail en prison. A découvrir ici !
Et pour les juristes spécialistes (ce que je ne suis pas), il y a aussi un article sur la question tiré de "Combats droits de l'homme" du Monde.